19 septembre – 31 octobre 2009
L’exposition La forme relevée est le résultat d’un mois de recherches dans l’appartement/galerie Interface. Elle réunit des œuvres inédites produites à cette occasion. Invitée en résidence, Isabelle Ferreira est arrivée avec l’envie d’user le temps imparti comme un moment d’expérimentation et d’essais, se mettant ainsi en danger, quant au résultat final. Lors de son diplôme très remarqué en 2003, à école Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Didier Semin avait écrit à propos d’Isabelle Ferreira, qu’elle a compris tôt que la grandeur des gestes dérisoires pouvait seule être opposée à l’indignité des gestes efficaces dont notre société ne cesse de se repaître. Relever la forme, relever l’image – qu’il soit pictural ou sculptural, le geste reste au cœur de sa pratique. Créateur de forme dans un premier temps, ce geste met en tension le matériau.
Condensée de travail et de recherches, cette exposition déroule l’écriture gestuelle d’Isabelle Ferreira. L’exposition ouvre sur trois œuvres majeures, (Being blank, Cofr et Eperlecques). Dans chacune d’elles, la brique tient une place centrale. Depuis bientôt quatre ans, elle constitue le mètre étalon de l’artiste. Bien que ce matériau reste très utilisé dans le bâtiment, la brique plâtrière a séduit Isabelle Ferreira par ses variations de coloris, ses dimensions imparfaites et sa fragilité cachée. En la posant, l’empilant, la déplaçant, la démultipliant, l’artiste inscrit son geste sculptural dans l’espace. Toutefois, cette attitude ne peut se jouer sans la présence de la couleur, en la peignant, elle convoque les imaginaires de l’architecture et s’emploie à allier les forces et les possibilités de la peinture et de la sculpture. Si ses constructions sont d’abord rigoureusement mise en espace avec le soucis de l’équilibre des propositions cher aux maitres de la Renaissance, dans Cofr et Eperlecques, le geste se radicalise, la définition de la brique est condensée, encadrée voir même annulée. Dans Being blank, les gestes habituellement propres et appliqués sont atténués pour laisser apparaitre le mouvement. Les couleurs sont plus naturelles, elles gagnent en matière, les blancs “s’encroutent”. Comme une réminiscence du temps de travail, On air (Interface) est une radio de chantier accrochée à l’entrée de l’espace d’exposition. Elle sera en marche – branchée sur la même fréquence – lorsqu’au même moment l’artiste se trouvera elle même au travail dans son atelier.
Dans la seconde pièce de l’appartement, tout en gardant les proportions de la brique, l’artiste réduit son unité pour mieux la modéliser et la rejouer ensuite à l’échelle 1. Construction et déconstruction se font alors face pour mieux dialoguer. Si pour La forme relevée, l’accumulation du module rappellent les grands ensembles HLM de Drancy construits au début des années 30, pour Mulhacén, la composition est tout autre. L’empilement relève d’un jeu d’équilibre fébrile et ténu. Bien que l’artiste se présente comme sculpteur, elle n’en reste pas moins peintre. Elle le dit elle-même “mon travail pictural a commencé lorsque j’ai cessé de peindre pour devenir sculpteur”. Dans chacune de ses œuvres et plus particulièrement, dans Palanques et Traven, le souci de la composition est omniprésent. Karen Tanguy définit son travail comme la mise en place de “color situations” où la couleur se dote d’une présence physique qui s’infiltre et se diffuse dans l’espace [4]. Avec Marbres, Isabelle Ferreira choisit de réactionner une série initiée en 2003 et intitulée J’aurais plutôt fait comme ça. Ce projet consiste à choisir des cartes postales de chefs d’œuvres picturaux inscrits dans l’Histoire de l’Art et par une technique d’effeuillage de ne garder qu’une partie du tableau, révélant ainsi le détail sélectionné. Cette fois, seules les parties blanches de deux tableaux de Piet Mondrian auront été sauvées. Réactif et généreux, son travail accueille les rencontres. Dans le couloir, une constellation de trous rebouchés de coton laisse deviner l’invitation faite à Frédéric Buisson. Réalisée à quatre mains, la constellation porte le doux nom de C.fée.
Cette exposition laisse penser que les recherches d’Isabelle Ferreira s’ouvrent vers une nouvelle matérialité et réactivent ses obsessions gestuelles et picturales. La forme relévée, prenant la forme d’une rétrospective, Valse trouve tout naturellement sa place. Filmée en place fixe dans un espace à l’état brut, l’artiste interprète une valse de Chopin. Cette vidéo, placée en toute fin de l’exposition, nous rappelle combien les imaginaires précaires, fragiles et sincères d’Isabelle Ferreira sont d’une élégance rare dont la société du spectaculaire ferait bien de s’inspirer.
nadège marreau
Le 4 octobre Julie Doiron sera en concert au milieu de l’exposition d’Isabelle Ferreira.