14 décembre 2002 – 1er février 2003
Outre son indéniable efficacité visuelle, le travail de Laurette Atrux-Tallau séduit le spectateur attentif par son souci de multiplier le temps au sein des images. Attardons nous dans cet univers ou formes colorées et multiplications décoratives sont quelques subterfuges bénéfiques à l’élaboration d’une œuvre qui mélange franchise et mystères. Les méthodes de travail de Laurette Atrux-Tallau sont à rapprocher de celle d’un chercheur. Son atelier peut se transformer en un laboratoire où elle serait une petite fille espiègle, s’attachant à observer des micro-événements dans la cuisine familiale.
Ainsi, en observatrice patiente, elle va chercher à capturer les moments de modification d’état de différents objets. Elle photographiera des boules de glace se liquéfiant, des graines qui germent, des pâtes à pain en phase de levée, ou encore des morceaux de sucre gorgés de café. (…) Les boules de glace seront tour à tour agrandies (telles des soucoupes) ou surmultipliées (tel un motif papier peint), elles sont en partie liquéfiées mais conservent un petit dôme caractéristique – indice permettant d’identifier un objet qui a perdu sa lisibilité. Les graines sont, elles, saisies au moment même de la rupture de la coque, au passage de l’état de graine à celui de pousse en devenir. Les pâtes à pain sont scrutées durant un quart d’heure dans leur lente ascension, de sorte que co-existent des parties floues et d’autres à la netteté manifeste. Les sucres, quant à eux, se décomposent progressivement. Ils comptent trois registres : la base se donne, se mue en une pâte brunâtre, mole, sans tenue qui atteint à la stabilité globale de l’édifice. Le centre n’a bénéficié du café que par propagation, il conserve la texture du sucre, mais sa couleur est modifiée. La strate la plus haute est, elle, restée intacte. (…)
De l’image fixe, par instants mouvante à la vidéo, le travail de Laurette Atrux-Tallau explore avec efficacité et intelligence le rapport que la photographie entretient avec ses limites et principalement avec celles liées au temps. Nous avons pu découvrir que les choix d’une fixité étrange, d’un moment de modification d’état, d’un mouvement perpétuel, mettent en place des images qui induisent des lectures temporelles multiples. Pour autant, il n’existe pas de thème central dans la production. Il se dégage un certain nombre d’axes, de constances qui ne recoupent jamais la totalité des recherches mise en place. Si on s’interroge sur les limites et le temps comment aborder la photographie de ces deux boules Quies ? Comment relier la série des talons à la présence presque exclusive de formes organiques ? Une chose est certaine, le travail de Laurette Atrux-Tallau impressionne par la qualité des images qu’elle nous offre à voir. Elle est l’une des jeunes photographe dont le travail par sa force ne cesse de nous enthousiasmer et dont les recherches nous promettent, à ne pas en douter, nombres d’émotions à venir.
Christophe Veys – Mai 2001.