Une paire de babouches bleu (ou jaune, ou blanche, ou rouge) sur le parquet d’un salon bourgeois. Une intrusion ? Une présence ? Un abandon ? Une absence ? C’est toute l’ambigüité de ces photos que nous propose Philippe Cazal. Historiquement la représentation de la figure est proscrite dans la religion musulmane. Traditionnellement, l’art islamique s’inscrit sur les livres et sur l’architecture des bâtiments royaux, religieux, publics ou privés. L’écriture calligraphique sobre ou baroque et le motif décoratif géométrique, souvent répétitif, requiert une importance évidente dans l’architecture arabe. Les hommes, en entrant dans la mosquée, se déchaussent et laissent leurs babouches dans l’entrée.
Le 9 mars 1997, Daniel Firman a visité pour la première fois l’appartement-galerie Interface à Dijon. Sans jamais revoir ce lieu, il a tenté de le reconstituer d’après mémoire. Le travail fut représenté sous forme de plans et tableaux.En mars 98, à l’espace d’Art Contemporain de Paris (texte ci-dessous), il présentait un an après deux versions de l’appartement-galerie d’après les plans/mémoires A et E .
Il y a dans l’oeuvre de Daniel Firman une obsession qui semble relever de l’évidence, voire de la démarche tautologique, mais qui s’échappe au dernier moment, et lui permet de rebondir insensiblement d’une série à une autre.
Comme ce titre l’indique, An Erotic Game est un jeu érotique que j’instaure entre le public et moi (ou plutôt ce que je considère être un jeu érotique). Cette notion d’érotisme nait dans “l’érotisme de l’absence” de l’autre malgré les traces de son séjour ; “l’érotisme du croisement” entre eux et moi. Physiquement absent (lors du vernissage et des visites), je suis très présent grâce aux objets qui signifient clairement que je séjourne momentanément dans cet appartement, également très présent dans le propos des pièces présentées. La notion du jeu apparait dans cette invitation à une cohabitation croisée avec le public (avec les règles que celle-ci sous entend !). Lors de sa visite / son séjour, le public est invité à faire tout ce qu’il pourrait faire dans un appartement qu’il partagerait (s’allonger sur le lit, vider/remplir le frigo, prendre une douche, fouiller dans le linge sale ou les cassettes vidéos…) Lors de trop nombreuses expositions, les œuvres sont “accrochées” pour une durée déterminée et ne doivent, sous aucun prétexte, bouger ; An veut être également un terrain d’expérimentation. Le tas de linge va obligatoirement changer d’aspect au fils des visites, tout comme l’intérieur du frigo, la salle de bain…